Intervention STAPS

« Il ne faut pas baisser les bras ! »

A l’heure où les attaques déjà réalisées contre l’EPS (sport scolaire, coordination,…) risquent de se multiplier, nous avons eu à répondre lors du congrès académique à une question que la bataille au quotidien nous a fait perdre de vue depuis longtemps :

« Quel avenir envisager pour une EPS et un sport scolaire dans le cadre d’un service public de qualité ? ».

Vue d’une structure universitaire de formation, l’UFRSTAPS d’Orsay, cette question nous a interpellé, justement parce que nous l’avions occulté et nous a amené à deux réflexions :

D’abord, l’idée de qualité passe pour nous obligatoirement par une formation préprofessionnelle initiale efficace. C’est ce qui est entendu depuis de nombreuses années et validé par l’intégration de formations des futurs enseignants d’EPS à l’Université depuis 1981. Or, nous constatons depuis quelques temps une bascule de sens dans le mode de fonctionnement des STAPS. La logique de la formation universitaire (LMD) a pris le pas sur la préparation des concours au point de les négliger. On nous dit que cette évolution doit s’entendre au regard des « débouchés » en baisse dans les métiers de l’intervention éducative. La filière éducation et motricité est donc de plus en plus sous valorisée au sein de la structure universitaire. Pourtant cette filière amène à une préparation des concours (CAPEPS mais aussi PE, ETAPS, Ville de Paris) qui propose encore un vaste volume de recrutement. Tout ça, parce que le lobbying de nos hommes politiques, relié par une presse toujours « objective », a fait son effet (STAPS est « une filière sans avenir surtout dans le secteur de l’intervention éducative » alors que les études montrent que c’est encore une filière ou les jeunes trouvent du travail). Peut-on alors s’étonner du faible engagement des étudiants dans les luttes majeures menées cette année. Ces derniers manifestent beaucoup de fatalisme face au concours (400 postes, « c’est trop dur »), les effectifs de la filière diminuent singulièrement (il y a donc moins de force), les consciences politiques sont moins aiguisées (on a mené une bagarre l’année dernière, on a rien obtenu), De ce fait, la qualité de la formation par la filière éducation et motricité est fortement questionnée.

Ce moment de fragilité est donc exploité par l’ancien gouvernement et certainement accéléré par le nouveau. Ainsi, la conférence de directeurs, association de directeurs des UFRSTAPS, dont le directeur était l’un des porte paroles de N. Sarkozy pendant la campagne, sous couvert d’une logique d’harmonisation européenne mais surtout dans une dynamique très libérale crée les conditions, par des propositions d’élaboration des fiches RNCP (ce qui est inscrit comme certification professionnelle pour les futurs intervenants éducatifs) d’une nouvelle « dynamique de formation ». Le niveau master des diplômes universitaires pourrait correspondre à une qualification en temps que concepteur, « qu’ingénieur en formation » responsable de l’élaboration et du suivi « des programmes d’intervention ». Le titulaire d’une Licence STAPS est alors l’exécutant des réflexions de l’ingénieur. Cette organisation des qualifications par les niveaux universitaires nous amène à penser que l’attaque contre l’EPS évoquée au départ est multiple. En effet, cette hiérarchisation, en occultant le niveau des concours crée les conditions de leur disparition, en lien avec l’évacuation de l’EPS du socle commun, nous permet de voir les bases d’une éviction de la discipline de l’école. On pourrait alors, pour l’organisation d’un sport en dehors de l’école, avoir sous tutelle de conseil généraux ou régionaux des « ingénieurs du sport » titulaires d’un Master et concepteurs de projet, dirigeant quelques Licence STAPS exécutants.

On retrouve ici des propositions d’organisation d’un autre temps. Cette réflexion, est, à nouveau, politiquement ancrée autour d’une baisse de la qualité de la formation. En effet, pourquoi consacrer autant d’années d’études pour des « intervenants sportifs » qui « donnent des ballons ». D’autant les mêmes défendent « cette perspective innéiste de l’apprentissage » qui voudrait montrer que certains n’y arriveront jamais, on le sait dès 3 ans (on naît prof. C’est certainement inscrit dans nos gènes ») !!! Ces réflexions se recoupent avec les discours sur les débouchés en STAPS. Il faut réfléchir maintenant en terme d’employabilité !!! C’est le marché qui commande. Nous sommes à nouveau sur cette perspective capitaliste de la sectorisation des emplois.

Mais nous, formateurs de formateurs, savons bien que ce qui peut donner corps à des contenus d’enseignement de qualité, c’est une préparation à un futur métier, une prise de conscience des valeurs du service public d’éducation. Cet aspect est donc systématiquement attaqué. On le voit, la qualité de nos formations est bien directement menacée.

D’autant que, et c’est notre deuxième angle de réflexion, nous assistons au démantèlement de l’Université comme service public. Cette expérience vaut, à notre avis, pour expérimentation avant l’attaque plus générale sur l’Education Nationale.

Ainsi, sous couvert de compétitivité mondiale, Les universités françaises se rassemblent au sein de structures plus importantes que sont les PRES (Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur) ou les RTRA (Réseaux Thématiques de Recherche Avancées). Au-delà de la construction de nécessaires collaborations, c’est tout le fonctionnement de ces structures qui interrogent. Ainsi, le modèle universitaire fonctionne depuis 1968 sur un modèle démocratique d’élection des équipes dirigeantes ainsi que des différentes instances de décisions (conseil d’administration, scientifique de la vie universitaire). Dans ces nouvelles structures, on se dirige plutôt vers des nominations des professeurs du plus haut rang (retour des mandarins). En outre, ces « super facs » peuvent s’adosser sur des Fondations pour assurer la pérennité du financement. Face au désengagement de l’état, c’est un appel non déguisé à la course aux crédits privés renforcées par la LOLF, organisation financière qui nous oblige a « construire » des projets pour justifier nos besoins financiers (c’est-à-dire pour nous l’achat des ballons et des chasubles !!!).

Dans cette dynamique de rentabilité/compétitivité, nous pouvons dégager une inquiétude supplémentaire, c’est bien la permanence de la filière STAPS au sein de la structure universitaire. Voilà la réalité du service public que nous vivons. Ainsi, nous assistons à la bascule vers des secteurs universitaires qui seront certainement prestigieux (plutôt autour des sciences dures avec des pôles d’excellence) et le reste en déliquescence. Voilà l’avenir du secteur public tel que nous le percevons.

Ces quelques constatations nos poussent à réagir, il n’est pas question de sombrer dans le défaitisme. Aussi, doit-on, à mon sens envisager plusieurs questions :

Ne doit-on pas réfléchir très rapidement à une structure différente, au sein de l’Université ou non ?

Comment « profiter de l’intégration des IUFM ?

Comment construire ou reconstruire le faire ensemble et s’associer avec le plus grand nombre (et pas seulement en EPS) mais dans les autres disciplines scolaires ?

Plus largement, comment créer les conditions d’une formation de qualité (plus préprofessionnelle) qui dépasse la perspective d’une réinstallation des hiérarchies entre les disciplines voir entre les personnes qui amène à la redéfinition d’une nouvelle lutte de classe ». Nous devons nous centrer à nouveau sur une exigence de qualité de formation par des conditions d’étude améliorées (installations, encadrement, contenus).

Gilles UHLRICH
S1 SNEP de l’UFRSTAPS D’ORSAY